Carnet Nature: Mars 2015 : balade 2

Voici un peu de la flore et de la faune photographiées au mois de mars 2015.

En note: des anecdotes et caractéristiques originales.

Pour lire l'ensemble des notes pour une espèce, parcourez la section "espèce par espèce".

24 mars 2015 - Chevreuil (1)

« Ne pas bouger, ne pas bouger ! Être un arbre, une pierre, un souffle d’air, se fondre parmi l’humus, prendre racine, devenir branche morte. Peut-être n’est-ce qu’un de ces mirages qu’aiment créer les formes joueuses de la forêt ?».

Quatre minutes, quatre minutes de tête à tête. Face à face. A découvert. Waw !


Chevreuil (24 mars 2015 - Brabant wallon)

Je descends un sentier. Au moment de tourner vers la droite, mes yeux balayent le sous-bois sur ma gauche. Intrigués par une étrange branche d’arbre posée sur le sol en face de moi - elle doit se situer à moins d'une centaine de mètres -, ils interrogent mon cerveau:

« Dis, donc, étrange cette grosse branche, tu ne trouves pas ? On dirait la sculpture d’une tête de chevreuil. C’est totalement immobile, rigide. Qu’est-ce que ça peut-être ? »

Mon cerveau : « Un leurre de chasseur ? Une espèce d’appeau en trois dimensions ? »

Mes yeux : « Meuh, non, ça n’a aucun sens. Prends une photo. L’agrandissement aidera à mieux voir.»

Mes yeux et mon cerveau : « Une sculpture de chevreuil… Mais non. Mince !!!!! C’est un chevreuil !!!! Mince !!!!!! En face de moi, de nous !!!!»

Moi : « Ne pas bouger, ne pas bouger ! Être un arbre, une pierre, un souffle d’air, se fondre parmi l’humus, prendre racine, devenir branche morte. Peut-être n’est-ce qu’un de ces mirages qu’aiment créer les formes joueuses de la forêt ?».

Peut-être le chevreuil partageait-il les mêmes pensées ?

Chevreuil (24 mars 2015 - Brabant wallon)

C’est la première fois que j’ai l’occasion de me retrouver si longtemps face à un chevreuil, totalement à découvert, avec entre lui et moi un sol en pente (j’étais en bas) simplement recouvert de plantules et de feuilles mortes. Était-il fatigué, malade, habitué aux promeneurs, saoul (voir chevreuil [3]) ? D’habitude on est aperçu avant d’apercevoir et ce sont les bonds de fuite qui attirent notre regard.

Chevreuil (24 mars 2015 - Brabant wallon)

Il faut dire que la vue du chevreuil est excellente, en tout cas de près. Ça lui permet de bondir à travers le sous-bois à parfois 30 ou 40 km/heure sans se blesser. Par contre, il a des difficultés à

reconnaître les objets immobiles situés loin de lui... sauf qu’il perçoit le moindre mouvement. Un simple clignement de paupière pourrait nous dénoncer…

Chevreuil (24 mars 2015 - Brabant wallon)

Ici, tout semblait paisible. La chevrette, car il s’agissait d’une dame, était assise sur son tapis de terre, tranquille (?). Après un moment, elle s'est levée et est restée quelques instants à me jauger : « Est-ce du bon, est-ce du danger que j’ai en face de moi ? », puis elle est partie en prenant la fuite… les fameux bonds qui d’habitude attirent notre attention…

Chevreuil (24 mars 2015 - Brabant wallon)

J’étais venu avec l’envie d’observer des oiseaux…
Un moment magique !

Combien de chevreuils ne frôlons-nous pas sans nous en apercevoir ?

24 mars 2015 - arum (gouet) tacheté

Arum tacheté (24 mars 2015 - Brabant wallon)

C'est une ingénieuse, une intrigante, une falsificatrice. A la belle saison, elle attirera à elle divers insectes dont, principalement, une toute petite mouche qui a des antennes aux allures de papillon de nuit. Son petit nom ? Psychodidae phalaenoïde. Mignon n’est-ce pas ? Madame « Psy» (pour les intimes) viendra se frotter aux fleurs mâles de l’arum, croyant atterrir sur une bouse de vache… C’est que l’arum imite très bien le site de ponte de ces mères minuscules. Mais pas de drame. La future maman mouche, qui d’ailleurs se laissera sans doute berner plus d’une fois, repartira indemne de sa rencontre avec l’arum, transportant sur elle le pollen qui peut-être ira se coller aux pistils des fleurs femelles d’un autre arum…

Beaucoup de choses passionnantes à raconter sur cette plante… la suite, lors d’une prochaine rencontre…

Attention, plante toxique.

24 mars 2015 - arbres amoureux...

Quel est ce doux élan qui pousse ces arbres à s’embrasser sans fin ? Combien d’amours les forêts n’ont-elles pas abritées ?

Arbres "amoureux" (24 mars 2015 - Brabant wallon)

Voici leur histoire* :

Un beau jour, Alpha (l’arbre à gauche), remarque la caresse appuyée de Delta (l’arbre à droite…). Une des branches de Delta vient en effet s’appuyer contre le beau corps ligneux d’Alpha. Alpha, charmé par cette douce attention (bon ça frotte, ça pique…mais ce n’est pas à nous de juger…), Alpha donc, s’élance dans une réponse amoureuse. Le voilà parti à la conquête de Delta. Mais il ne peut se déplacer, alors, il se concentre du mieux qu’il peut et voilà que son écorce se met à pousser en direction de Delta. Après un moment l’écorce d’Alpha entoure la partie de la branche de Delta qui le touche… et là c’est la fusion… Alors, Delta, afin de ne faire plus qu’un avec Alpha, abandonne la partie de sa branche qui dépasse Alpha… et voici nos deux arbres réunis dans ce baiser qui se prolongera d’années en années. Nous pouvons observer le bourrelet créé par Alpha pour se rapprocher de Delta…

Arbres "amoureux" (24 mars 2015 - Brabant wallon)

Mais la réalité est peut-être tout autre… Certains auteurs, moins romantiques, pensent que les arbres ne supportent pas une pression régulière sur leur tronc, cette pression empêchant le tronc de s’élargir en tous sens. Aussi, puisque l’arbre ne peut se défaire de cette pression (par exemple une plaque clouée sur le tronc, une branche d’un arbre voisin trop proche), l’écorce qui continue à se développer malgré tout, va contourner l’objet et parfois totalement l’entourer, voire « l‘avaler ». Dans le cas de cette photo, la partie de la branche de l’arbre de droite qui touchait l’arbre de gauche a été totalement entourée par l’écorce de l’arbre de gauche, et la partie de la branche « caressante » qui dépassait a dépéri. Il reste, témoin de cette rencontre, un bourrelet du côté de « l’arbre avaleur ».

Alors, histoire d’amour ou ogre égoïste ?

*inspiré par "la hulotte", numéro 88 — Petits Mystères des Grands Bois